Le handicap invisible

20 Oct 2021Actus

Nos équipes se mobilisent pour sensibiliser les entreprises adhérentes au handicap invisible. À côté des animations que nous pouvons proposer, ces lignes ont vocation à faire évoluer les représentations sur le handicap invisible. Explications et témoignages sont au programme de cet article.

Qu’est-ce que le handicap invisible ?

Le handicap invisible est un handicap non détectable si la personne concernée n’en parle pas. Pourtant, les troubles dont elle souffre impactent sa qualité de vie, et en particulier au travail.

Maladie chronique (sclérose en plaque, fibromyalgie…), trouble psychique, dyslexie, séquelles d’un accident de la route… sont autant de handicaps que l’on ne voit pas : invisibles, mais pas imaginaires !

Quelques chiffres :

  • 80% des handicaps ne se voient pas.
  • 3% des travailleurs en situation de handicap sont en fauteuil roulant.
  • 85% des handicaps apparaissent au cours de la vie.
  • 10% des personnes en situation de handicap nécessitent un aménagement de poste.
  • 88% des salariés estiment qu’il est facile de travailler avec un collègue en situation de handicap.

 À savoir

  • Les effets d’un handicap invisible peuvent être autant importants sur la vie professionnelle que les handicaps visibles.
  • Tout salarié en situation de handicap peut bénéficier d’un aménagement de son poste qui lui permettra de travailler dans les mêmes conditions que ses collègues grâce à des solutions techniques et organisationnelles.
  • La fatigabilité est le principal point commun des maladies chroniques en termes de répercussion pour la vie des personnes.
  • 6% des effectifs des entreprises de plus de 20 salariés doivent avoir une reconnaissance de la qualité travailleur handicapé (RQTH), ou reverser une contribution annuelle à l’Agefiph.

Une vidéo pour comprendre la notion de handicap en entreprise.

La RQTH, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé

Qui peut obtenir le statut RQTH ?

Toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites du fait de la dégradation d’au moins une fonction physique, sensorielle, mentale ou psychique.

Pourquoi faire une demande RQTH ? 

La RQTH donne des droits et des avantages. En particulier, elle permet de bénéficier de mesures qui sécurisent le parcours professionnel et d’être reconnu pour les compétences et la capacité à travailler, et non pour un handicap.

A quoi sert la RQTH ?

  • Bénéficier plus facilement d’un aménagement du poste de travail ;
  • Obtenir un accès prioritaire à la formation professionnelle, ainsi qu’aux dispositifs de droit commun ;
  • Être accompagné individuellement par Cap Emploi.

Existe-t-il une obligation d’embauche de salariés en situation de handicaps ?

Tout employeur d’au moins 20 salariés doit employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif total.

Quels sont les avantages d’embaucher des salariés en situation de handicap ?

  • Recruter une personne en situation de handicap démontre l’ouverture de l’entreprise sur le plan humain. Cela améliore sa réputation vis-à-vis des salariés, mais aussi des clients. Cela permet de développer et de valoriser son image et sa marque employeur.
  • Répondre à son obligation d’emploi de personnes en situation de handicap.
  • Diminuer ou supprimer la contribution annuelle versée à l’Agefiph.

Comment parler de son handicap ?

  • Salariés, pour parler d’un handicap, parler des répercussions est un premier pas : ce que vous pouvez faire ou non, afin de trouver des solutions permettant de compenser ce handicap.
  • Employeurs, pensez à instaurer un climat de confiance avec vos équipes, à communiquer sur la politique handicap et à former vos managers sur les accompagnements possibles.

Vers quel(s) interlocuteur(s) se tourner ? 

  • Dans l’entreprise : DRH, référent handicap
  • Médecin traitant
  • Médecin du travail
  • Organismes : Cap Emploi, Agefiph, Adapt…

L’AISMT13 conseille les employeurs et les salariés pour trouver des solutions : le médecin du travail peut faire appel à des experts (ergonomes, psychologues, Cellule Prévention de la Désinsertion Professionnelle…).

 

 Regards croisés et retours d’expérience entre un médecin du travail, un employeur et un salarié

 

La vision du docteur Spinelli, médecin du travail

Qu’appelle-t-on un « handicap » ?

Dans le monde du travail, un handicap correspond à l’inadéquation d’un poste de travail et d’une pathologie. L’exemple du violoniste est parlant : s’il ne peut plus utiliser deux de ses doigts, il n’est plus en mesure de travailler. En revanche, il est apte pour exercer de nombreux autres métiers. Ainsi, une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) est attribuée en fonction de l’inadéquation du poste, afin d’assurer l’équité dans le monde du travail.

Qu’est-ce qu’un handicap invisible ?

Dans 8 cas sur 10, les salariés ont un handicap qui n’est pas visible, ou des pathologies qui vont avoir un impact sur la capacité de travail et nécessiter un aménagement de poste. Je pense notamment à la polyarthrite, la spondylarthrite, la sclérose en plaque, la hernie discale, fibromyalgie, la maladie de Crohn ou encore la rectocolite hémorragique.

Quel est le rôle du médecin du travail face à des travailleurs dans ces situations ?

Son rôle est de prévenir la désinsertion professionnelle et d’aménager le poste du salarié, en conseillant à la fois le salarié et l’employeur. Et ainsi, pouvoir maintenir le salarié en poste.

Comment prendre en compte la spécificité du handicap invisible ?

Cette spécificité est difficile à prendre en compte, car un aménagement de poste est souvent perçu comme un privilège donné au salarié par l’employeur. Alors qu’en matière de handicap, on répond par de l’équité et non de l’égalité : on donne les moyens adaptés à la personne pour faire son travail. Le manque d’acception peut générer la souffrance de salariés ayant un handicap invisible, car ils font face à de l’incompréhension et une mise à l’écart. Pourtant, le sentiment d’injustice est subi des deux côtés : c’est pourquoi les mentalités doivent évoluer.

 

Quel a été l’impact de la Covid-19 dans la reconnaissance des handicaps invisibles ?

De nombreuses personnes en situation de handicap invisible non déclaré ont été amenées à le déclarer afin d’être protégées durant la crise sanitaire, notamment des personnes sous immunosuppresseurs. Malgré des certificats médicaux partagés, certains employeurs et collègues ont été suspicieux sur la véracité des pathologies. Et malgré la situation, certaines personnes vulnérables ont fait le choix de ne pas le déclarer. D’où l’importance de sensibiliser au handicap invisible, pour ne plus porter de jugement.

Christophe Sonzogni, Dirigeant de la société NSF, témoigne de son expérience

Etes-vous concerné par l’insertion de personnes en situation de handicap invisible dans votre entreprise ?

Oui, j’ai un cas bien précis : une personne sourde.

Comment est perçu le handicap par vos équipes ? Qu’en est-il lorsque le handicap est invisible ?

La personne est dynamique et travailleuse, donc très bien intégrée. Il faut parler de son handicap auprès des équipes et des clients, afin de les avertir et de faire en sorte que le handicap ne soit pas un problème. Dans son cas, les personnes qui s’adressent à notre agent doivent s’exprimer en face et enlever, dans la mesure du possible, leur masque (ou avoir un masque transparent au niveau des lèvres).
De manière globale, travailler avec une personne ayant un handicap invisible est plus complexe : il faut à la fois veiller à ne pas blesser le salarié concerné, et informer un maximum de personnes sans le crier sur tous les toits.

Quelles sont vos difficultés et vos réussites en matière d’insertion de travailleurs en situation de handicap invisible ?

Quand la personne est connue et que le handicap est compris par ses collègues et le client, c’est une réussite, en particulier lorsque la personne est motivée et volontaire pour le travail. J’ai eu d’autres salariés touchés par le handicap invisible.
Parler de son handicap à son employeur est important dès l’embauche : cela lui permettra de prendre en compte les besoins et contraintes pour adapter le travail au quotidien. Ces travailleurs sont souvent de « très gros bosseurs », car ils veulent prouver leurs compétences et montrer que leur handicap n’est pas un problème.

 

Un salarié témoigne de son parcours

A quelle situation faites-vous face et comment la vivez-vous ?

Sportif, j’ai l’air d’être en bonne santé. Pourtant, je suis en situation de handicap. Que ce soit dans le monde du travail ou dans ma vie personnelle, je suis fréquemment confronté à un manque de compréhension de la part de personnes connues et inconnues. Il m’est difficile de me justifier, d’exprimer la souffrance liée à mes douleurs dans le monde du travail, car cela génère des réflexions et des remontrances. J’aimerais que les individus fassent preuve de plus de compassion.

Comment est perçu votre handicap par vos collègues de travail ?

Si mes collègues sont au courant de mon handicap, ils ont du mal à comprendre qu’un grand sportif puisse souffrir d’un handicap, et des difficultés que cela peut engendrer. Je travaille sur une ligne de production agroalimentaire. Quand je vais bien, mon travail peut être efficient sur les tâches les plus complexes. Mais je suis vite fatigué et ne peux travailler qu’un temps limité sur ces tâches-là. Lorsque je m’oriente vers des tâches moins physiques, je sens le poids des critiques.

Comment est perçu votre handicap par votre employeur ?

Travaillant dans une coopérative, nous sommes tous « patrons », à la fois coopérateurs et salariés. Le responsable de production, qui me voit « jeune » et « sportif », préfère me positionner sur les lignes de production les plus difficiles car je vais toujours faire de mon mieux. Il faut comprendre que cela n’est possible qu’à temps partiel, et de véritablement l’intégrer dans la durée.

Comment votre employeur a-t-il pu adapter votre situation de travail ?

Dans l’entreprise où j’exerçais auparavant, je n’ai jamais réussi à parler de mon handicap. Avec la coopérative, j’ai mis du temps à décider d’apporter mon dossier médical avec mes IRM lors d’un rendez-vous avec mon médecin du travail. Dès lors, ce médecin a considéré mon problème comme étant le sien, et est intervenu pour adapter mon poste de travail. Ainsi, [avec l’appui du Cap Emploi], une ergonome s’est rendue dans l’usine afin d’observer mon travail au quotidien. Suite à plusieurs visites médicales, une réunion a été organisée avec moi-même, le médecin du travail et l’ergonome, le responsable, le directeur de production et la secrétaire, pour améliorer mes conditions de travail et faire évoluer les mentalités. Cela a engendré des premières évolutions, avec une meilleure considération de ma problématique. Néanmoins, le chemin est encore long, car on continue de me « prendre par les sentiments » pour continuer à travailler sur les machines plus de temps que recommandé, et il n’est pas aisé de refuser.

Aujourd’hui, je commence à réfléchir à changer de poste ou de travail, où un accompagnement est possible par mon médecin du travail.

En quoi le fait que votre handicap ne soit pas visible impacte votre vie professionnelle et personnelle ?

Au niveau professionnel, je suis une personne consciencieuse. Travailler régulièrement dans la douleur m’oblige à prendre des antidouleurs le soir.

Le mouvement et les séances de kinésithérapie 3 fois par semaine sont d’une grande aide, ces dernières me soulagent. J’alloue donc un temps personnel conséquent à ma santé.

Également, dans la vie quotidienne, je suis souvent confronté à des regards accusateurs lorsque je m’assoie dans un bus, par exemple lorsqu’il y a du monde et qu’une personne âgée se trouve debout. Quand je vois une personne paraissant en bonne santé être prioritaire à une caisse spécial « handicap », j’essaie de sensibiliser les autres individus pouvant être critiques, en expliquant qu’un handicap ne se voit pas forcément.

Quel est votre handicap ?

J’ai d’abord subi un accident du travail il y a de nombreuses années en me tordant le genou avec une machine, puis un accident de moto. Cela a engendré de l’arthrose au genou et des douleurs au quotidien, aujourd’hui je n’ai quasiment plus de cartilage.

 

Des précisions apportées par le Docteur Spinelli, Médecin du travail

  • Quand un handicap est invisible, la première étape est d’en parler au médecin du travail. Ce témoignage démontre que tout n’est pas forcément dépisté en visite médicale, notamment lorsqu’on souffre de douleurs articulaires, d’un diabète ou d’épilepsie, si le salarié n’est parle pas.
  • Toutes les interventions et actions menées par le médecin du travail sont réalisées avec l’accord du salarié et dans le respect du secret médical.
  • Le rôle du médecin du travail est la prévention de la désinsertion professionnelle.
  • Cette prévention va de l’aménagement du poste de travail avec des restrictions d’aptitude (par exemple, un maintien en poste en évitant le port de charge…), une demande de mutation, une création de poste, une formation, l’achat de matériel (fauteuil ergonomique, bureau à hauteur variable, logiciel de reconnaissance vocale, transpalette électrique supplémentaire, chariot sur mesure, aménagement des véhicules…), la modification de l’organisation du travail (horaires, temps partiel, changement d’équipe, réduction du rendement, télétravail…), une mesure d’auxiliariat professionnel pour compenser des tâches non faites par le salarié (équivalent de l’AVS au niveau scolaire), la reconnaissance de la lourdeur du handicap (aide financière si perte de productivité), et plus encore.

Dans cet exemple, la RQTH a permis de faire intervenir Cap Emploi, en lien avec l’Agefiph, pour débloquer des aides et déclencher une étude préalable à l’aménagement et à l’adaptation des situations de travail (EPAAST). Elle permet d’analyser la situation de travail et de trouver les solutions permettant l’adaptation du poste de travail en fonction du handicap du salarié par un ergonome agréé. La RQTH permet d’apporter des moyens, et d’éviter que les aménagements et adaptations soient entièrement à la charge de l’employeur.

 

Pour plus d’informations sur le handicap invisible,
vous pouvez contacter votre centre médical.

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